Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 2, 1797.djvu/42

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donnée à elle-même, la sensible Justine commença à former quelques réflexions sur son sort. O Dieu ! s’écria-t-elle, pourquoi donc faut-il que je sois aussi cruellement maltraitée, quand je n’ai eu d’autre tort que celui de m’être opposé à un crime ? Que d’exemples, quoique bien jeune encore, je reçois de cette funeste fatalité de mon étoile ! Un instant d’abrutissement succéda, Justine était immobile ; à peine respirait-elle ; on eut dit que toutes les facultés de sa cruelle existence étaient enchaînées par la douleur : quelques larmes involontaires coulaient de ses beaux yeux, et une violente palpitation de cœur devenait la seule preuve de ses liens à la vie. Plusieurs jours se passèrent ainsi, sans que cette malheureuse reçût aucune consolation, sans que qui que ce fût pénétrât dans sa chambre, que les vieilles chargées de la nourrir.

Enfin, Bandole reparut un soir. Mon enfant, dit-il à cette infortunée, je viens te prévenir que c’est après-demain, sans faute, que je t’accordes les honneurs de ma couche… et sur un mouvement affreux de Justine : — Quoi ! cette nouvelle ne te comble pas de plaisir ? — Elle me fait horreur. Oh ! monsieur, croyez-vous que des femmes puissent vous aimer ?