Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 2, 1797.djvu/68

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tu vas bientôt te convaincre, ma fille, que, si tu ne trouves pas de grands plaisirs dans le local où je te mène, au moins y apprendras-tu promptement l’art de servir les nôtres. Ces terribles paroles firent tressaillir Justine, une sueur froide s’empara d’elle, son imagination effrayée lui fit voir la mort balançant la faux sur sa tête, ses genoux fléchissent, elle est prête à tomber. Bougresse, lui dit le moine en lui donnant un vigoureux coup de genoux dans les reins, pour la relever, allons, marche, et n’essaie ici ni plainte, ni résistance, tout serait inutile. Ces mots cruels raniment notre infortunée ; elle sent qu’elle est perdue, si elle faiblit ; ô juste Dieu ! dit-elle en se relevant, faut-il donc que je sois toujours la victime de ma candeur, et que le saint desir de m’approcher de ce que la religion a de plus respectable, soit encore au moment d’être puni comme un forfait !

Cependant la marche se poursuit ; on était environ au milieu du long boyau qu’il fallait parcourir, lorsque le moine souffla la lumière. Dès-lors aucun ménagement ; plus Severino s’apperçoit du redoublement de frayeur que son procédé donne à Justine, moins il ménage et les propos et les actions ;