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m’admettre à leur table, et j’avais distingué plus particulièrement parmi eux le père Bonifacio de Boulogne, l’un des plus charmans libertins que j’eusse connu de ma vie. La conformité de mon caractère avec celui de ce moine m’avait assez intimement lié avec lui pour nous confier un million de choses. Croyez-vous donc, Jérôme, me dit-il un jour, que nous chaumions ici de tous les plaisirs dont les gens du monde se rassasient ? oh ! mon ami, ne l’imaginez pas ; il faudrait que vous fussiez dans notre ordre pour que je vous révélasse ces secrets ; et, riche comme vous l’êtes, rien ! de plus facile que d’y entrer. Mais, dis-je, et la qualité de seigneur-terrier que j’ai acquise en achetant du bien dans votre île ?… Ne serait qu’un motif de plus d’adoption, me dit Bonifacio, vous conserverez votre bien, vous serez reçu à bras ouverts, et initié dès le moment même dans tous les mystères de l’ordre. On ne se figure pas combien cette idée m’embrâsa ; la certitude de couvrir et d’augmenter mes vices sous le masque imposant de la religion, l’espoir dont me flattait également Bonifacio de me trouver très-promptement érigé en médiateur céleste entre l’homme et son prétendu Dieu, celui bien plus doux en-