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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 3, 1797.djvu/72

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et méchante, jamais qu’inconséquente, contrariante et dévastatrice ; jetez un instant les yeux sur l’immensité de maux que sa main infernale répand sur nous en ce monde. À quoi servait-il de nous créer pour nous rendre aussi malheureux ? pourquoi notre triste individu, ainsi que tous ceux qu’elle produit, sortent-ils de son laboratoire aussi remplis d’imperfections ? ne dirait-on pas que son art meurtrier n’ait voulu former que des victimes ?… que le mal soit son unique élément, et que ce ne soit que pour couvrir la terre de sang, de larmes et de deuil qu’elle soit douée de la faculté créatrice !… que ce ne soit que pour déployer ses fléaux qu’elle use de son énergie ? Un de vos philosophes modernes se disait l’amant de la nature : eh bien, moi, mon ami, je m’en déclare le bourreau. Étudiez-là, suivez-là, cette nature atroce, vous ne la verrez jamais créer que pour détruire, n’arriver à ses fins que par des meurtres, et ne s’engraisser, comme le minautore, que du malheur et de la destruction des hommes. Quelle estime, quel amour pourriez-vous donc avoir pour une force semblable, dont les effets sont toujours dirigés contre vous ? lui voyez-vous jamais dispenser un don sans qu’une peine grave