Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 3, 1797.djvu/80

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toujours les forfaits, ceux qui ont été bourreaux, doivent néanmoins devenir victimes à leur tour, quand de nouveaux persécuteurs se présentent… Vérité qui pourtant ne prouve rien pour la vertu, puisqu’on la voit dans les récits que je vous fais, presqu’à tout moment tourmentée, mais qui doit seulement nous apprendre que l’homme, jouet par sa faiblesse de tous les caprices de la fortune, ne doit leur opposer, s’il est raisonnable, que la patience et le courage.

Je m’étais embarqué à Palerme sur un petit bâtiment léger que j’avais frété pour moi seul. À peine fûmes-nous à la hauteur des roches de Quels, que nous apperçûmes les côtes de l’Afrique. Parvenus là, un corsaire barbaresque nous attaque, et nous prend sans aucune résistance ; en un moment, mes amis, je me vois privé de ma fortune et de ma liberté, je perds en une minute tout ce que les hommes ont de plus cher. Hélas ! me dis-je, dès que je fus enchaîné, si cet argent mal acquis tombait en des meilleures mains, peut-être croirais-je en l’équité de la fortune ; mais sera-t-il mieux placé dans la bourse de ces scélérats qui ne croisent ces parages, que pour peupler le sérail du bey de Tunis ! sera-t-il