Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 3, 1797.djvu/9

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plaisir en moi, que j’étais souvent obligé de faire arrêter pour enculer mon postillon.

J’étais dans les environs de Trente, absolument seul dans ma voiture, et dirigeant mes pas vers l’Italie, lorsqu’une de ces crises de tempérament me prit… au même instant où j’entendis des cris plaintifs dans la forêt que nous traversions : arrête, dis-je au postillon je veux connaître la cause de ce bruit, ne t’écartes pas, et soignes ma voiture ; je m’enfonce, le pistolet à la main, et je découvre enfin dans un taillis une fille de quinze ou seize ans, qui me parut d’une rare beauté. Quel malheur vous afflige, ma belle demoiselle, dis-je en l’abordant ? est-il possible d’y porter remède ? Oh ! non, non, monsieur, me répondit-on, il n’en fut jamais aux flétrissures de l’honneur ; je suis une fille perdue, je n’attends que la mort, et je vous la demande. — Mais, mademoiselle, si vous daigniez me raconter. — Le fait est aussi simple que cruel, monsieur. Un jeune homme devient amoureux de moi ; cette liaison déplaît à mon frère ; le barbare abuse de l’autorité que la mort de nos parens lui donne ; il m’enlève, et après m’avoir horriblement maltraitée, il me perd dans cette forêt, en me défendant, sous peine