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couchait dans la même chambre. Jusqu’à Lyon tout se passa fort bien ; mais, pendant les trois jours dont cette femme avait besoin pour ses affaires, Justine fit dans cette ville une rencontre, à laquelle elle était bien loin de s’attendre.

Elle se promenait l’après-midi, sur le quai du Rhône, avec une des filles de l’auberge, lorsqu’elle apperçut tout-à-coup le révérend père Antonin de Sainte-Marie-des-Bois, maintenant supérieur de la maison de son ordre, située en cette ville. Le moine l’aborde ; et, après lui avoir tout bas aigrement reproché sa fuite, et lui avoir fait entendre qu’elle courait les plus grands risques d’être reprise, s’il en donnait avis au couvent de Bourgogne, il lui ajouta en se radoucissant, qu’il ne parlerait de rien, si elle voulait à l’instant même le venir voir dans son habitation, avec la fille qui l’accompagnait, assez fraîche, assez jolie, prétendait-il, pour lui inspirer quelques desirs ? Puis s’adressant à cette créature : Nous vous payerons bien l’une et l’autre, dit-il en la caressant ; nous sommes dix dans notre maison ; et je vous promets un louis de chaque, si votre complaisance est sans bornes. Justine, comme on se le persuade aisément, rougit beaucoup