Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 4, 1797.djvu/83

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ser de l’infortune… pousser l’audace et la férocité jusqu’à l’accroître… jusqu’à la prolonger pour l’unique satisfaction de ses desirs ! Quelle cruauté, monsieur ! les bêtes les plus féroces ne nous donnent pas d’exemples d’une barbarie semblable ! — Tu te trompes, Justine, dit Saint-Florent, il n’y a pas de fourberies que le loup n’invente pour attirer l’agneau dans ses pièges ; ces ruses sont dans la nature, et la bienfaisance n’y est pas ; elle n’est qu’un caractère de la faiblesse préconisée par l’esclave, pour attendrir son maître, et le disposer à plus de douceur ; elle ne s’annonce jamais chez l’homme que dans deux cas, ou s’il est le plus faible, ou s’il craint de le devenir ; la preuve que cette prétendue vertu n’est pas dans la nature, c’est qu’elle est ignorée de l’homme le plus rapproché d’elle. Le sauvage, en la méprisant, tue sans pitié son semblable, ou par vengeance ou par avidité… Ne la respecterait-il pas cette vertu, si elle était écrite dans son cœur ? Mais elle n’y parut jamais. La civilisation, en épurant les individus, en distinguant des rangs, en offrant un pauvre aux yeux du riche, en faisant craindre à celui-ci une variation d’état qui pouvait le précipiter dans le néant de