Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 5, 1797.djvu/141

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vos passions. Vous indiquait-elle de vous captiver à un seul homme, en vous donnant la force d’en lasser quatre ou cinq de suite ? Méprisez les vaines loix qui vous tyrannisent, elles ne sont l’ouvrage que de vos ennemis, sitôt que ce n’est pas vous qui les avez faites : dès qu’il est sûr que vous vous seriez bien gardé de les approuver, de quel droit prétendrait-on vous y astreindre ? Songez qu’il n’est qu’un âge pour plaire, et que vous verserez, dans votre vieillesse, des larmes bien cruelles, si vous avez passe sans jouir : et quel fruit recueillerez-vous de cette sagesse, quand la perte de vos charmes ne vous laissera plus prétendre à nuls droits ? L’estime de votre époux, quelle faible consolation ! quels dédommagemens pour de tels sacrifices ! Qui, d’ailleurs, vous répond de son équité ? qui vous dit que votre constance lui soit aussi précieuse que vous l’imaginez ? Vous voilà donc réduites à votre propre orgueil. Ah ! femmes aimables, la plus mince des jouissances que donne un amant, vaut mieux que celles de soi-même : ce sont de pures chimères que toutes ces jouissances isolées ; personne n’y croit ; personne ne s’en doute ; personne ne vous en sait gré ;