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libertinage des individus de notre sexe ; puisque rien ne sert autant la nature, il est impossible qu’il puisse être infâme ; mais supposons un instant la réalité de cette infamie ; en quoi pourrait-elle arrêter une femme d’esprit ? que lui importe qu’on la regarde comme infâme, si dans le fait elle ne l’est pas aux yeux de la raison, et s’il est impossible que l’infamie puisse exister dans le cas ou elle se trouve ; elle rira de l’injustice et de la folie de ses semblables, n’en cédera pas moins aux impulsions de la nature, et toujours avec bien plus de tranquilité qu’un autre ; car tout arrêtte, tout fait trembler celle qui craint de perdre sa réputation, au lieu, que celle qui l’a perdue n’ayant plus rien à risquer, et se livrant à tout sans appréhension, doit être nécessairement plus heureuse.

Allons plus loin, la chose à laquelle cette femme se livre, l’habitude où son penchant l’entraîne, fût-elle vraiment infâme, eu égard aux loix, et aux principes du gouvernement sous lequel elle vit, si cette chose, telle qu’elle puisse être, tient tellement à sa félicité, qu’elle ne puisse l’abandonner sans devenir malheureuse, ne serait-elle