Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 5, 1797.djvu/277

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on devrait vivre, que celui qui laisse, dit Machiavel, ce qui se fait pour ce qui devrait se faire, cherche à se perdre plutôt qu’à se conserver, et par conséquent il faut qu’un homme qui fait profession d’être tout-à-fait bon, parmi tant d’autres qui ne le sont pas, périsse tôt ou tard. Si les malheureux ont de la vertu, ne soyons pas encore la dupe de ce sentiment dans eux, c’est qu’ils ne peuvent plus placer leur orgueil que dans cette frêle jouissance ; elle les console des pertes qu’ils font, voilà leur secret.

Pendant cette savante dissertation, madame de Noirceuil et les Gitons s’étaient endormis. Ce sont des imbécilles que ces êtres là, dit Noirceuil, ce sont les machines de nos voluptés, cela est trop bête pour rien sentir, ton esprit plus subtil, me conçoit, m’entend, me devine ; je le vois, Juliette, tu aimes le mal. — Beaucoup, monsieur, il me tourne la tête. — Tu iras loin, mon enfant… je t’aime, je veux te revoir. — Je suis flattée de vos sentimens, monsieur, j’ose presque dire que je les mérite, par la conformité des miens aux vôtres… J’ai eu quelqu’éducation, une amie a formé mon