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de l’existence d’un Dieu ; comme il est la base de tout l’édifice, c’est par son examen, que je dois raisonnablement commencer.

O Juliette ! n’en doutons pas, ce n’est qu’aux bornes de notre esprit qu’est due la chimère d’un Dieu ; ne sachant à qui attribuer ce que nous voyons, dans l’extrême impossibilité d’expliquer les inintelligibles mystères de la nature, nous avons gratuitement placé au-dessus d’elle un être revêtu du pouvoir de produire tous les effets dont les causes nous étaient inconnues.

Cet abominable phantôme ne fut pas plutôt envisagé comme l’auteur de la nature, qu’il fallut bien le voir également comme celui du bien et du mal ; l’habitude de regarder ces opinions comme vraies, et la commodité que l’on y trouvait pour satisfaire à-la-fois la paresse et la curiosité, firent promptement donner à cette fable le même degré de croyance qu’à une démonstration géométrique, et la persuasion devint si vive… l’habitude si forte, qu’on eut besoin de toute sa raison pour se préserver de l’erreur. De l’extravagance qui admet un Dieu, à celle qui le fait adorer, il ne devait y avoir qu’un pas ; rien de plus simple que d’implo-