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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 5, 1797.djvu/69

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en avait une perception nette et distincte ; et l’on en est venu enfin à imaginer qu’il pouvait exister une cause qui ne fut pas un être ou un corps, une cause qui fut réellement distincte de tout corps, et qui, sans mouvement et sans action pût produire tous les effets imaginables. On n’a pas voulu faire réflexion que tous les êtres agissans et réagissans sans cesse les uns sur les autres, produisent et souffrent en même tems des changemens ; la progression intime des êtres qui ont été successivement cause et effets, a bientôt fatigué l’esprit de ceux qui veulent absolument trouver la cause dans tous les effets. Sentant leur imagination épuisée par cette longue suite d’idées, il leur a paru plus court de remonter tout d’un coup à une première cause qu’ils ont imaginée comme la cause universelle à l’égard de laquelle les causes particulières sont des effets, et qui n’est, elle, l’effet d’aucune cause.

Voilà le dieu des hommes, Juliette ; voilà la sotte chimère de leur débile imagination. Tu vois par quel enchaînement de sophismes ils sont venus à bout de la créer ; et, d’après la définition particulière que je t’ai donnée, tu vois que ce fantôme n’ayant