Aller au contenu

Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 6, 1797.djvu/124

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous rendant ce qu’il se fait pour se délecter lui-même, en nous faisant ce qui lui est propre, ne doit-il pas mieux réussir que cet être, différent de nous, qui ne peut nous offrir que des voluptés très-éloignées de celles que notre sorte d’existence exige ? — Quoi, Clairwil, tu n’aimes pas les hommes. — Je m’en sers, parce que mon tempérament le veut, mais je les méprise et je les déteste ; je voudrais pouvoir immoler tous ceux aux regards desquels j’ai pu m’avilir. — Quelle fierté. — C’est mon caractère, Juliette ; à cette fierté je joins la franchîse, c’est le moyen d’être connue de toi tout de suite. — Ce que tu dis suppose de la cruauté ; si tu desires ce que tu viens d’exprimer, tu le ferais si tu le pouvais. — Qui te dit que je ne l’aie pas fait ? mon ame est dure, et je suis loin de croire la sensibilité préférable à l’heureuse apathie dont je jouis. Oh Juliette, poursuivit-elle en nous remettant, tu te trompes, peut-être sur cette sensibilité dangereuse, dont tant d’imbécilles s’honorent.

La sensibilité, ma chère, est le foyer de tous les vices, comme elle est celui de toutes les vertus. C’est elle qui conduisit Cartouche à l’échafaud, comme elle inscrivit en lettres