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pour transmettre à la postérité ce voluptueux et divin tableau ; mais la luxure couronnant trop vite nos acteurs, n’eût peut-être pas donné à l’artiste le tems de les saisir. Il n’est pas aisé à l’art qui n’a point de mouvement, de réaliser une action dont le mouvement fait toute l’ame, et voilà ce qui fait à-la-fois de la gravure, l’art le plus difficile et le plus ingrat.

On se remet à table. J’ai demain, dit le ministre, une lettre de cachet à expédier, pour un homme coupable d’un égarement assez singulier. C’est un libertin qui, comme vous, Noirceuil, a la manie de faire foutre femme par un étranger ; cette épouse, qui vous paraîtra sans doute fort extraordinaire, a eu la bêtise de se plaindre d’une fantaisie qui ferait le bonheur de beaucoup d’autres. Les familles s’en sont mêlées, et définitivement on veut que je fasse enfermer le mari. Cette punition est beaucoup trop dure, dit Noirceuil ; et moi je la trouve trop douce, dit d’Albert ; il y a tout plein de pays où l’on ferait périr un homme comme cela… Oh ! voilà comme vous êtes, messieurs les robins, dit Noirceuil ; heureux quand le sang coule. Les échafauds de Thémis