Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 6, 1797.djvu/89

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livre avec outrance ; ce que je conçois, ce que j’imagine déjà, ne s’exprime point ; mais, mon ami, vos conseils me sont nécessaires. Saint-Fond ne sera-t-il pas jaloux de tous les écarts où je me livre ? Jamais, me dit Noirceuil, Saint-Fond est trop raisonnable pour ne pas sentir que tu dois donner dans beaucoup de travers ; cette seule idée l’amuse, et il me disait encore hier, je crains qu’elle ne soit pas assez gueuse. — Oh ! dans ce cas, qu’il se tranquilise, mon ami, assurez-le qu’il est difficile de porter plus loin le goût de tous les vices. J’ai quelquefois entendu demander, dit Noirceuil, si la jalousie était une manie flatteuse ou défavorable pour une femme, et j’avoue que je n’ai jamais douté, que ce mouvement n’étant que personnel, assurément les femmes n’avaient rien à gagner à l’action qu’il produit dans l’ame de leurs amans ; ce n’est point parce qu’on aime beaucoup une femme, qu’on en est jaloux, c’est parce qu’on craint l’humiliation qui naîtrait de son changement ; et la preuve qu’il n’y a rien que de purement égoïste dans cette passion, c’est qu’il n’y a pas un amant de bonne foi qui ne convienne aimer mieux voir sa maîtresse morte, qu’in-