Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 6, 1797.djvu/92

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prit, un caractère délicieux, un million de choses qui s’enchaînent avec mes sentimens et mes goûts ; je n’aurai aucun desir de coucher avec Bélise, mais je ne l’en aimerai pas moins à la folie ; je désirerai fortement d’avoir Araminthe, mais je la détesterai cordialement, dès que la fièvre du desir sera passée, parce que je n’ai trouvé qu’un corps en elle, et nulle des qualités morales qui pouvaient lui mériter les affections de mon cœur ; il n’est d’ailleurs nullement question de tout cela ici ; et dans les infidélités que Saint-Fond te laisse faire, il entre un sentiment de libertinage tout différent de l’explication qui vient de t’être donnée. Saint-Fond jouit de l’idée de te savoir dans les bras d’un autre, il t’y place lui-même, il bande en t’y voyant ; tu multiplieras ses jouissances, par l’extension que tu donneras aux tiennes et tu ne seras jamais plus aimée de Saint-Fond, que quand tu auras le plus fait ce qui te vaudrait la haine d’un autre. Voilà de ces écarts de tête qui ne sont connus que de nous, mais qui n’en sont pas moins délicieux pour cela… Vous me rassurez, dis-je à Noirceuil ; Saint-Fond aimera mes goûts, mon esprit, mon caractère, et ne sera point jaloux de ma