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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 7, 1797.djvu/186

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vie, nous passons insensiblement, en adoptant cette chaîne, au plus cruel, sans doute, qui se puisse imaginer dans le monde. Si la récompense ou le dédommagement de tant de peines était autre chose qu’une jouissance ordinaire, peut-être conseillerais-je de le risquer ; mais tous les soucis, tous les tourmens, toutes les épines de l’amour ne conduisent jamais qu’à ce qu’on peut aisément obtenir sans lui ; où donc est la nécessité de ses fers ? Lorsqu’une belle femme s’offre à moi, et que j’en deviens amoureux, je n’ai pas avec elle un but différent que celui qui la voit et qui la desire sans former aucune espèce d’amour ; tous deux nous voulons coucher avec elle ; lui, ce n’est que son corps qu’il desire ; et moi, par une métaphysique fausse et toujours dangereuse, m’aveuglant sur le véritable motif, qui, néanmoins, n’est autre que celui de mon concurrent, je me persuade que ce n’est que le cœur que je veux, que toute idée de jouissance est exclue, et je me le persuade si bien, que je ferais volontiers avec cette femme l’arrangement de ne l’aimer que pour elle-même, et d’acheter son cœur aux prix du sacrifice de tous mes desirs phy-