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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 7, 1797.djvu/204

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O mes frères ! jetez les yeux sur la multitude de peines où cette funeste passion entraîne les hommes… les maladies cruelles, fruits des tourmens qu’elle donne, la perte des biens, du repos, de la santé, l’abandon de tous les autres plaisirs ; sentez les sacrifices énormes qu’elle coûte, et profitant de tous ces exemples, faites comme le nautonier prudent qui ne passe point auprès de l’écueil où vient d’échouer le navire, qui fendait les mers avec lui.

Eh ! la vie ne vous offre-t-elle pas bien d’autre plaisirs sans ceux-là ?… que dis-je ; elle vous présente les mêmes, et elle vous les donne sans épines. Puisque le libertinage vous assure les mêmes jouissances, et ne vous demande que de les dégager de cette métaphysique à la glace, qui n’ajoute rien aux plaisirs, jouissez sans liens de tous les objets offerts à vos sens ; et quelle nécessité y a-t-il donc d’aimer une femme pour s’en servir ? Il me semble que nous éprouvons tous ici qu’on s’en sert beaucoup mieux quand on ne l’aime point, ou qu’il est au moins très-inutile de l’aimer pour en venir là. Qu’avons-nous besoin de prolonger ces plaisirs par une ivresse folle et ridicule ? Au