Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 8, 1797.djvu/232

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dans le monde : absolument isolés de toutes les créatures, comme nous ne devons approcher que ce qui nous plaît, nous devons, avec le même soin, en éloigner tout ce qui nous gêne : et qu’y a-t-il donc de commun entre l’existence de celui qui me gêne, et moi ? comment, je serais assez ennemi de mon bien-être, pour prolonger les jours de celui qui fait mon supplice ; je repousserais assez violemment la voix de la nature, pour ne pas trancher les jours de celui qui, décidément, trouble toute la félicité de la mienne ? Les meurtres moraux et politiques se permettront, et l’on sévira injustement contre les meurtres personnels. Quelle extravagance ! il faut se mettre, Honorine, au-dessus de ces préjugés barbares ; celui qui veut être heureux dans le monde, doit repousser, sans aucun scrupule, absolument tout ce qui l’offusque… doit embrasser tout ce qui sert ou flatte ses passions ; manque-tu de moyens ? Je t’en offre… Oh Dieu ! tu me fais horreur, reprit la Duchesse ; je n’aime point monsieur de Grillo ; mais je le respecte ; il protège ma jeunesse ; sa jalousie me retient, elle m’empêche de tomber dans des pièges, où le libertinage m’entraînerait