Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 8, 1797.djvu/340

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troublons-le, détruisons-le, changeons-le, sans crainte de lui nuire. Persuadons-nous, au contraire, que nous lui sommes utiles, et que plus nos mains multiplient ces espèces d’actions que nous nommons faussement criminelles, plus nous servons ses volontés.

Mais n’y aurait-il pas de différence dans les espèces, et ne peut-il pas y avoir des meurtres d’une telle noirceur, qu’elle en puisse être révoltée ; quelle bêtise à le supposer un moment ! cet être qui vous paraît sacré, d’après nos futiles conventions humaines, peut-il donc se trouver d’un prix supérieur à ses yeux ? En quoi le corps de votre père, de votre fils, de votre mère, de votre sœur, peut-il être plus précieux à ses regards, que celui de votre esclave ? Ces distinctions ne sauraient exister pour elle ; elle ne les voit même pas ; il est impossible qu’elle les apperçoive ; et ce corps si précieux, d’après vos loix, se reproduira, se métamorphosera comme celui de cet ilote que vous méprisez autant ; persuadez-vous, au contraire, que cette atrocité que vous redoutez lui plaît ; elle voudrait que vous en missiez davantage dans ce que vous appelez vos destructions ; elle voudrait que vous