Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 8, 1797.djvu/88

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Que de titres cette cruelle vérité me donne à ton indulgence !… Écoute, Juliette, puisque j’ai tant fait que de m’ouvrir à toi sur des désirs aussi dangereux, il faut que j’achève de te faire une confidence, et que je te demande, en même-tems, ton secours dans une affaire bien importante pour moi. Aglaé est fille de mon mari, voilà pourquoi je la déteste ; son père avait le même rang dans mon cœur, et si la nature n’eût pas accompli mes vœux, j’employais l’art pour la contraindre à me satisfaire… tu m’entends ? Je possède une autre fille dans le monde ; un homme que j’idolâtrais en est le père. Fontange, c’est le nom de ce gage chéri de ma passion, est maintenant âgée de treize ans ; on l’élève à Chaillot près Paris ; je veux lui faire un sort considérable. Tiens, Juliette, continua madame de Donis, en me remettant un fort gros porte-feuille, voilà cinq cent mille francs que je soustrais à mes héritiers légitimes ; quand tu retourneras à Paris, tu placeras cette somme sur la tête de ma fille, tu la garderas près de toi, tu la marieras, tu feras son bonheur ; mais il faudra que tout ait l’air d’émaner de ta bienveillance. Une conduite différente trahirait