Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 9, 1797.djvu/179

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idée que nous concevons des autres est toujours ce qui nous arrête en matière de crime ; on nous accoutume ridiculement, dès notre enfance, à ne nous compter pour rien et les autres pour tout. De ce moment, toute lésion faite à ce respectable prochain nous paraît un grand mal, tandis qu’elle est dans la nature, dont nous ne satisfaisons jamais mieux les loix qu’en nous préférant aux autres, et qu’en les tourmentant pour nous délecter. S’il est vrai que nous ressemblions à toutes les productions de la nature, si nous ne valons pas mieux qu’elles, pourquoi persister à nous croire mus par des loix différentes. Les plantes et les bêtes connaissent-elles la pitié, les devoirs sociaux, l’amour du prochain ? et voyons-nous dans la nature d’autre loi suprême que celle de l’égoïsme ? Le grand malheur de tout cela, c’est que les loix humaines ne sont que le fruit de l’ignorance ou du préjugé ; celui qui les fit, ne consulta que sa bêtise, ses petites vues et ses intérêts : il ne faudrait jamais que le législateur d’une nation fût né parmi elle ; avec ce vice, le législateur ne transmettra chez ses compatriotes, pour uniques loix, que les puérilités qu’il a trouvé établies chez eux ; et