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déjà, sans la connaître, cette femme dont on nous a parlé ; je gage que nous lui plairons ; nous la ferons décharger ; si elle veut nous tuerons avec elle, et elle ne nous tuera pas. Approche, Raimonde, viens aussi près de nous, Elise, et puisqu’il ne nous reste plus d’autre plaisir que celui de nous branler, jouissons-en. Échauffées par moi, les coquines s’y livrèrent ; la nature nous servit aussi bien dans les chaînes de l’infortune, que sur les roses de l’opulence. Je n’avais jamais eu tant de plaisir ; mais le retour de ma raison fut affreux. Nous allons être égorgées, dis-je à mes compagnes ; il ne faut plus nous faire d’illusion, c’est le seul destin qui nous attende. Ce n’est point la mort qui m’effraye, je suis assez philosophe pour être bien sûre de ne pas être plus malheureuse après avoir végété quelques années sur la terre, que je ne l’étais avant que d’y arriver ; mais je crains la douleur, ces coquins-la me feront souffrir ; ils jouiront peut-être à me tourmenter, comme j’ai joui à tourmenter les autres ; ce capitaine m’a l’air d’un scélérat, il a des moustaches qui m’effrayent, et sa femme, sans doute, est aussi cruelle que lui… rassurée tout-à-l’heure, je frémis à