Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 9, 1797.djvu/314

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comme le crime est délicieux, comme la tête s’enflâme à l’idée de franchir impunément tous les freins ridicules qui captivent les hommes. Quelle supériorité l’on acquierre sur eux, en brisant, comme nous le faisons, tout ce qui les contient, en transgressant leurs loix, en profanant leur religion, en reniant, insultant, bafouant leur exécrable Dieu ; en bravant jusqu’aux préceptes affreux, dont ils osent dire, que la nature compose nos premiers devoirs. Ah ! mon chagrin maintenant, je te l’ai dit, est de ne rien trouver d’assez fort ; quelqu’épouvantable que puisse être un crime, il me paraît toujours au-dessous des projets de ma tête. Ah ! si je pouvais embrâser l’univers, je maudirais encore la nature, de ce qu’elle n’aurait offert qu’un monde à mes fougueux desirs.

Nous parcourûmes, en raisonnant ainsi, tout le reste de la campagne de Bayes, où, l’on ne peut faire vingt pas, sans reconnaître les débris de quelques monumens précieux : et nous nous trouvâmes près du lac d’Averne, où nous arrivâmes par un chemin creux, très-agréable, et bordé de haies toujours vertes : nous ne ressentîmes rien de