Page:Sade - Les 120 Journées de Sodome, éd. Dühren, 1904.djvu/133

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n’y a ni confession, ni prêtre, ni conseil, ni représentation qui peut me retirer des vices, j’irais sacredieu montrer mon cul sur les bornes avec autant de tranquillité que je boirais un verre de vin. Imite-moi, Françon, on gagne tout sur les hommes avec de la complaisance. Le métier est un peu dur dans les commencements, mais on s’y fait [accoutumée], autant d’hommes autant de goûts, d’abord il faut t’y attendre, l’un veut une chose, l’autre en veut une autre, mais qu’importe ? On est là pour obéir, on se soumet, c’est bientôt passé et l’argent reste.“ J’étais confondue, je l’avoue, d’entendre de propos aussi déréglés dans la bouche d’une fille si jeune et qui m’avait toujours paru si décente, mais comme mon cœur en partageait l’esprit, je lui laissais bientôt connaître que j’étais non seulement disposée à l’imiter dans tout, mais même à faire encore pis qu’elle, si cela était nécessaire. Enchantée de moi elle m’embrassait de nouveau, et comme il commençait à se faire tard, nous envoyâmes chercher une poularde et de bon vin, nous soupâmes et couchâmes ensemble, décidées à aller dès le lendemain matin nous présenter chez la Guérin et la prier de nous recevoir au nombre de ses pensionnaires. Ce fut pendant ce souper81) que ma sœur m’apprit tout ce que j’ignorais encore du libertinage, elle se fit voir à moi toute nue, et je puis assurer que c’était une des plus belles créatures qu’il y eut alors à Paris, la plus belle peau, l’embonpoint le plus agréable et malgré cela la taille la plus leste et la plus intéressante, les plus jolies yeux bleux, et tout le reste à l’avenant. Aussi appris-je depuis, combien la Guérin en faisait cas, et avec quel plaisir elle le les procurait en sa pratique qui jamais