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Page:Sade - Les 120 Journées de Sodome, éd. Dühren, 1904.djvu/265

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sieurs, un maître de comptes petit, replet, et d’une fort désagréable figure, il établit un vase entre nous deux, nous nous postâmes dos à dos, nous chiâmes à la fois, il s’empara du vase de ses doigts mêla les deux étrons et les avala tous deux, pendant que je le fais décharger dans ma bouche, à peine regarda-t-il mon derrière, il ne le baisa point, mais son extase n’en fut pas moins très vive, il trépigna, il jura tout en gobant et en déchargeant et se retira en me donnant quatre louis pour cette bizarre cérémonie ; cependant mon financier prenait chaque jour plus de confiance à moi et plus d’amitié et cette confiance dont je ne tardai pas d’abuser, devint bientôt la cause de notre éternelle séparation. Un jour qu’il m’avait laissée seule dans son cabinet, je remarquai qu’il remplissait sa bourse pour sortir dans un tiroir fort large et entièrement rempli d’or. „Oh quelle capture,“ me dis-je en moi-même, et ayant dès cet instant conçu l’idée de m’emparer de cette somme, j’observai avec le plus grand soin tout ce qui pouvait me l’approprier. D’Aucourt ne fermait point ce tiroir, mais il emportait la clef du cabinet, et ayant vu que cette porte et cette serrure étaient très légères, j’imaginai qu’il me faudrait bien peu d’effort pour faire sauter l’une et l’autre avec facilité. Ce projet adopté, je ne m’occupai plus que de saisir avec empressement le premier jour où d’Aucourt s’absenterait pour tout le jour, comme cela lui arrivait deux fois de la semaine, jours de bacchanales particulières, où il se rendit avec Desprès et l’abbé pour des choses que md. Desgranges vous dira peut-être mais qui ne sont pas de mon ministère, ce favorable instant se présenta bientôt, les valets, aussi