Page:Sade - Les 120 Journées de Sodome, éd. Dühren, 1904.djvu/298

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tous deux, et la petite fille se trouvant par ce moyen ou moins gênée ou chez des amis, il me serait aisé de l’attirer dans mon piège. Je leur lançai donc un procureur de mes amis, homme à toute main, et dont j’étais sûre pour de tels coups d’adresse, il s’informa déterra des créanciers, les excite, les soutient, bref, en huit jours le mari et la femme sont en prison. De ce moment, tout me devint aisé, une marcheuse, adroite accosta bientôt la petite fille abandonnée chez des pauvres voisins, elle vint chez moi, tout répondait à son extérieur, c’était la peau la plus douce, et la plus blanche, les petits appas les plus ronds, les mieux formés… il était difficile en un mot, de trouver un plus joli enfant, comme elle me revenait près de vingt louis tous frais faits, et que le marquis voulait la payer une somme préscrite, au delà du payement de laquelle il ne prétendait ni en entendre parler ni avoir affaire en personne, je la lui laissai pour cent louis et comme il devenait essentiel que l’on n’eût jamais vent de mes démarches, je me contentai de gagner 60 louis sur cette affaire et fis passer encore 20 à mon procureur pour embrouiller les choses de manière à ce que le père et la mère de cette jeune enfant ne pussent savoir de longtemps des nouvelles de leur fille ; il en surent, sa fuite était impossible à cacher, les voisins coupables de négligence s’excusèrent comme ils purent, et quant au cher cordonnier et à son épouse, mon procureur fit si bien, qu’ils ne purent jamais remédier à cet accident, car ils moururent tous deux en prison au bout de près d’onze ans de capture. Je gagnai doublement à ce petit malheur, puisqu’en même temps qu’il m’assurait la possession cer-