Page:Sade - Les 120 Journées de Sodome, éd. Dühren, 1904.djvu/355

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eux, que dans ce qui les reproche du déshonneur et de l’infamie, dans ce que je vais vous raconter, messieurs, dans les différents exemples, que je vais vous donner en preuve de mon assertion, ne m’alléguez pas la sensation physique ! Je sais qu’elle s’y trouve, mais soyez bien parfaitement sûrs, qu’elle n’existe à quelque sorte que par l’élan puissant que lui donne la sensation morale, et que si vous fournissiez à ces gens-là la même sensation physique, sans y joindre tout ce qu’ils retirent dans la morale, vous ne réussirez pas à les émouvoir. — [111]Il venait très souvent chez moi un homme dont j’ignorais le nom et la qualité, mais que je savais pourtant bien être certainement un homme d’érudition, l’espèce des femmes, avec qui je le mariais, lui était parfaitement égale, belle ou laide, vieille ou jeune ; tout lui était indifférent, il ne s’agissait que de bien jouer son rôle, et voici ce dont il s’agissait : il venait ordinairement le matin, il entrait comme par mégarde dans une chambre, où se trouvait une fille sur un lit, troussée jusqu’au milieu du ventre, et dans l’attitude d’une femme, qui se branle, dès qu’on le voyait entrer, la femme, comme surprise, se jetait aussitôt au bas du lit : „Que viens tu faire ici, scélérat,“ lui disait-elle, „qui te donne, coquin, la permission de me troubler ?“ — Il demanda excuse, on ne l’écoutait pas et tout en l’accablant d’un nouveau déluge d’invectives les plus dures, et les plus piquantes, elle tombait sur lui à grand coups de pieds dans le cul, et il lui devenait d’autant plus difficile de manquer son coup, que le patient, loin d’éviter, ne manquait jamais de se tourner et de présenter le derrière, quoiqu’il eût l’air d’éviter et de vouloir fuir. On redoublait, il demanda grâce, les coups