Page:Sade - Les Crimes de l’amour, 1881.djvu/123

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

également pensé) Cléveland ; l’Histoire d’une Grecque moderne, le Monde moral, Manon-Lescaut, surtout,[1] sont remplis de ces scènes attendrissantes et terribles, qui frappent et attachent invinciblement ; les situations de ces ouvrages, heureusement ménagées, amènent de ces moments où la nature frémit d’horreur, etc. » Et voilà ce qui s’appelle écrire le roman ; voilà ce qui, dans la postérité, assure à Prévôt une place où ne parviendra nul de ses rivaux.

Vinrent ensuite les écrivains du milieu de ce siècle : Dorat aussi maniéré que Marivaux, aussi froid, aussi peu moral que Crébillon, mais écrivain plus agréable que les deux à qui nous le comparons ; la frivolité de

  1. Quelles larmes que celles qu’on verse à la lecture de ce délicieux ouvrage ! comme la nature y est peinte, comme l’intérêt s’y soutient, comme il augmente par degrés, que de difficultés vaincues ! que de philosophie à avoir fait ressortir tout cet intérêt d’une fille perdue ; dirait-on trop en osant assurer que cet ouvrage a des droits au titre de notre meilleur roman ? ce fut là où Rousseau vit que malgré des imprudences et des étourderies, une héroïne pouvait prétendre encore à nous attendrir, et peut-être n’eussions-nous jamais eu Julie, sans Manon-Lescaut.