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Page:Sade - Les crimes de l'amour, Nouvelles héroïques et tragiques, tome 1, 1799.djvu/121

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Juliette, dis, pourrais-tu goûter un instant de tranquillité dans les bras d’un tel monstre ?… Et cette vie, qui t’aurait coûté si cher… ô ! mon enfant, crois-tu que j’en pourrois jouir moi-même ?… Non, ma fille ; c’est à moi de mourir, mon heure est venue ; il faut quelle s’accomplisse. Et que sont quelques instans de plus ou de moins ? N’est-ce pas un supplice que la vie, quand on ne voit autour de soi que des horreurs et que des crimes ? Il est temps d’aller chercher dans les bras de Dieu la paix et la tranquillité que les hommes m’ont refusé sur la terre… Ne pleure pas, Juliette, ne pleure pas ; je ne suis pas plus malheureux que le navigateur qui, après des périls sans nombre, touche à la fin au port qu’il a tant desiré… Faut-il t’en dire davantage ? je te défends, par toute l’autorité que j’ai sur toi, de songer à me conserver par les moyens infâmes qu’on te propose ; et si j’apprenais ta désobéissance sur ce point, je ne te verrais plus. Eh bien ! mon père, dit Juliette, avec cet élan de l’ame qui annonce qu’elle est