Page:Sade - Les crimes de l'amour, Nouvelles héroïques et tragiques, tome 3, 1799.djvu/28

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engloutie dans une vallée déserte où jaillissaient avec fracas les eaux qui venaient de le soutenir. Là se fait entendre à lui, cette même voix qui lui parlait de tems en tems. « Ô Rodrigue ! s’écrie-t-elle, tu viens de voir l’image de tes plaisirs passés, ils naissaient devant toi comme ces fruits qui t’ont un instant désaltérés, où ces plaisirs t’ont-ils conduit ? roi superbe, tu le vois, tu t’es précipité comme cette barque dans un abîme de douleurs, dont tu ne sortiras que pour y rentrer bientôt ; suis maintenant la route ténébreuse resserrée par ces deux montagnes dont la cime se perd dans les nues ; au bout du défilé, après avoir fait deux mille lieues, tu trouveras ce que tu désires »,

Ô juste ciel ! dit Rodrigue, passerai-je donc ma vie dans cette cruelle recherche ! il lui semblait qu’il y avait plus de deux ans qu’il voyageait ainsi dans les entrailles de la terre, quoique depuis son entrée dans la tour, il n’y eût pas encore une semaine. Cependant le ciel qu’il avait continué de voir depuis sa sortie du sou-