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INTRODUCTION

cette époque, il n’y avait que fort peu de prisonniers à la Bastille, et il est assez difficile de démêler les raisons qui, excitant la fureur du peuple, le poussèrent justement contre une prison presque déserte. Il n’est pas impossible que ce soient les appels du marquis de Sade, les papiers qu’il jetait par sa fenêtre, et dans lesquels il donnait des détails sur les tortures auxquelles on aurait soumis les prisonniers dans le château, qui, exerçant quelque influence sur les esprits déjà excités, aient déterminé l’effervescence populaire et provoqué finalement la prise de la vieille forteresse.

Le marquis de Sade n’était plus à la Bastille. M. de Launay, ayant conçu des craintes assez sérieuses (et cela n’irait pas contre l’hypothèse le marquis de Sade cause du 14 juillet), avait demandé qu’on le débarrassât de son prisonnier, et, sur un ordre royal daté du 3 juillet, le marquis de Sade avait été transféré, le 4 juillet, à une heure du matin, à l’hospice des fous de Charenton. Un décret de l’Assemblée constituante sur les lettres de cachet rendit au marquis sa liberté. Il sortit de la maison de Charenton le 23 mars 1790.

Sa femme, qui s’était retirée au couvent de Saint-Aure, ne voulut plus le revoir et obtint, le 9 juin de la même année, une sentence du Chàtelet prononçant entre elle et lui la séparation de corps et d’habitation. Cette malheureuse femme s’adonna à la piété et mourut, dans son château d’Echauffour, le 7 juillet 1810.

En liberté, le marquis de Sade mena une vie régulière, vivant de sa plume. Il publia ses ouvrages, fit jouer des pièces à Paris, à Versailles et peut-être à Chartres. Il éprouva de sérieuses difficultés pécuniaires, sollicitant en vain une place, quelle qu’elle fût : « Propre aux négociations, dans lesquelles son père a passé vingt ans, connaissant une partie de l’Europe, pouvant être utile à la composition ou à la rédaction de quelque ouvrage que ce puisse être, à la tenue, à la régie d’une bibliothèque, d’un cabinet ou d’un muséum, Sade, en un mot, qui n’est pas sans talent, implore votre justice et votre bienfaisance ; il vous supplie de le placer. » (Lettre au conventionnel Bernard (de Saint-Affrique), 8 ventôse an III (27 février 1795.)


    commencer le mercredi 15 mai 1782, publié en partie par Alfred Bégis (Nouvelle Revue, nov. et déc. 1882). — La Baslille dévoilée, par Manuel. — Le Marquis de Sade, par Henri d’Alméras.