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ACTE PREMIER.

Amélie, en pleurs, prenant les mains de sa maîtresse.

Ô la plus malheureuse des femmes !… Ah ! ne vous désespérez pas, je vous conjure !… Votre père est instruit de votre départ ; croyez qu’il ne perdra pas une minute pour voler à votre défense.

Ernestine.

Ce n’est pas de lui que j’attends la punition de mon bourreau.

Amélie.

Si le Comte tenait sa parole ; il a parlé, ce me semble, de nœuds chéris, de liens éternels…

Ernestine.

Quand Oxtiern les desirerait, pourrais-je consentir à passer ma vie dans les bras d’un homme abhorré… d’un homme dont j’aurais reçu la plus sensible injure ? Peut-on faire son époux de celui qui nous dégrada ?… Peut-on jamais aimer ce qu’on méprise ? Ah ! je suis perdue, Amélie, je suis perdue !… La douleur et les larmes sont tout ce qui me reste ; je n’ai plus d’autre espoir que la mort : on ne survit point à la perte de l’honneur !… On peut se consoler de toutes les autres, jamais de celle-là !

Amélie, regardant de toutes parts.

Mademoiselle, nous sommes seules ; qui nous empêche de fuir ? d’aller implorer à la cour une protection qui vous serait si bien due, et à laquelle vous avez tant de droit ?