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OXTIERN,

Amélie.

Ah ! vous me faites frémir !

Ernestine, au désespoir.

Qu’espérer… qu’attendre, grand Dieu ! Quelles ressources peuvent me rester maintenant ?

Amélie.

Mais, Monsieur votre pere ?…

Ernestine.

Tu sais qu’il était pour quelque tems éloigné de Stokolm, quand Oxtiern m’ayant cruellement trompée, me conduisit chez lui, en me flattant d’obtenir au moyen de cette démarche, la liberté de mon amant ; sa main, peut-être, par le crédit du sénateur son frere, qui devait, disait-il, s’y trouver ; démarche aussi coupable que téméraire sans doute ; devais-je penser à un engagement sans l’aveu de mon père ? le ciel m’en a bien punie… Sais-tu qui s’est offert à mes yeux à la place du protecteur que j’attendais ? Oxtiern, le féroce Oxtiern, le poignard à la main, voulant mon déshonneur ou ma mort, et ne me laissant pas même la maîtresse du choix… Si je l’avais été, Amélie, je ne balançais pas ; le plus effrayant des supplices eut été plus doux pour moi, que les flétrissures que me préparait cet homme pervers ; d’affreux liens m’ont empêché de me défendre… Le scélérat… et pour comble de maux, le ciel m’a laissé vivre… le jour m’éclaire encore, et je suis perdue ! (Elle tombe sur la chaise qui est près de la table).