misérables ; jette un coup d’œil de pitié sur eux,
et n’éteins pas ton ame au point de l’endurcir
sans retour aux cris déchirans du besoin ! Quand
ton corps, uniquement las de voluptés, repose
languissamment sur des lits de duvet, vois le
leur affaissé des travaux qui te font vivre, recueillir
à peine un peu de paille pour se préserver
de la fraîcheur de la terre, dont ils n’ont,
comme les bêtes, que la froide superficie pour
s’étendre ; jette un regard sur eux, lorsqu’entouré
des mets succulens dont vingt élèves de
Comus réveillent chaque jour ta sensualité, ces
malheureux disputent aux loups, dans les bois,
la racine amère d’un sol desséché ; quand les
jeux, les graces et les ris conduisent à ta couche
impure le plus touchans objets du temple de
Cythère, vois ce misérable étendu près de sa
triste épouse, satisfait des plaisirs qu’il cueille
au sein des larmes, ne pas même en soupçonner
d’autres ; regardes-le, quand tu ne te
refuses rien, quand tu nages au milieu du superflu ;
regardes-le, te dis-je, manquer même
opiniâtrement des premiers besoins de la vie ;
jette les yeux sur sa famille désolée, vois son
épouse tremblante se partager avec tendresse
entre les soins qu’elle doit à son mari
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