Apprenez, Madame, qu’il n’est rien de plus
illusoire que les sentimens du père ou de la mère
pour les enfans, et de ceux-ci pour les auteurs
de leurs jours ; rien ne fonde, rien n’établit de
pareils sentimens en usage ici ; détestez-la,
puisqu’il est des pays où les parens tuent leurs
enfans, d’autres où ceux-ci égorgent ceux de qui
ils tiennent la vie. Si les mouvemens d’amour
réciproque étoient dans la nature, la force du
sang ne seroit plus chimérique, et sans s’être
vus, sans s’être connus mutuellement, les parens
distingueroient, adoreroient leurs fils, et reversiblement
ceux-ci au milieu de la plus grande
assemblée, discerneroient leurs pères inconnus,
voleroient dans leurs bras, et les adoreroient.
Que voyons-nous au lieu de tout cela ? Des
haines réciproques et invétérées, des enfans qui,
même avant l’âge de raison, n’ont jamais pu
souffrir la vue de leurs pères, des pères éloignant
leurs enfans d’eux, parce que jamais ils ne purent
en soutenir l’approche. Ces prétendus mouvemens
sont donc illusoires, absurdes, l’intérêt
seul les imagina, l’usage les prescrivit, l’habitude
les soutint, mais la nature jamais ne les
imprima dans nos cœurs. Voyez si les animaux
les connoissent ; non, sans doute ; c’est pourtant
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