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Page:Sade - Philosophie dans le boudoir, Tome I, 1795.djvu/88

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te semble ; profite du plus heureux temps de ta vie ; elles ne sont que trop courtes ces heureuses années de nos plaisirs ! Si nous sommes assez heureux pour en avoir joui, de délicieux souvenirs nous consolent, et nous amusent encore dans notre vieillesse ; les avons-nous perdus ?… des regrets amers, d’affreux remords nous déchirent, et se joignent aux tourmens de l’âge pour entourer de larmes et de ronces les funestes approches du cercueil… Aurais-tu la folie de l’immortalité ? eh bien ! c’est en foutant, ma chère, que tu resteras dans la mémoire des hommes ; on a bientôt oublié les Lucrèce, tandis que les Théodore et les Messaline font les plus doux entretiens et les plus fréquens de la vie. Comment donc, Eugénie, ne pas préférer un parti qui, nous couronnant de fleurs ici-bas, nous laisse encore l’espoir d’un culte bien au-delà du tombeau ? comment, dis-je, ne pas préférer ce parti à celui qui, nous faisant végéter imbécilement sur la terre, ne nous promet après notre existence que du mépris et de l’oubli ?