Page:Sagard - Le Grand voyage du pays des Hurons (Avec un dictionnaire de la langue huronne), Librairie Tross, 1865.djvu/109

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ril de deux pots, estant failly, nous en fismes d’autre auec des raisins du pays, qui estoit tres-bon, et boüillit en nostre petit baril, et en deux autres bouteilles que nous auions, demesme qu’il eust pû faire en des plus grands vaisseaux, et si nous en eussions encore eu d’autres, il y auoit moyen d’en faire une assez bonne prouision, pour la grande quantité de vignes et de rasins qui sont en ce pays-là. Les Sauvages en mangent bien le raisin, mais ils ne les cultiuent ny n’en font aucun vin, pour n’en auoir l’inuention, ny les instruments propres : Nostre mortier de bois, et vne seruiette de nostre Chapelle nous seruirent de pressoir, et vn Anderoqua, ou sceau d’escorce, nous seruit de cuue : mais nos petits vaisseaux n’estans capables de contenir tout nostre vin nouueau, nous fusmes contraincts, pour ne point perdre le reste, d’en faire du raisiné, qui fut aussi 104 || bon que celui que l’on faict en France, lequel nous seruit aux iours de recreation et bonne feste de l’année, à en prendre vn petit sur la poincte d’vn cousteau.

Pendant les neiges nous estions contraincts de nous attacher des raquettes sous les pieds, aussi bien que les Sauuages, pour aller querir du bois pour nous chauffer, qui est une tres-bonne inuention : car auec icelles on n’enfonce point dans les neiges, et si on faict bien du chemin en peu de temps. Ces raquettes, que nos Sauuages Hurons appellent Agnonra, sont deux ou trois fois grandes comme les nostres. Les Montagnais, Canadiens et Algoumequins, hommes, femmes, filles et enfans auec icelles suiuent la piste des animaux, et la beste estant trouuée, et abattue à coups de flesches et espées emmanchées au bout d’vne demye picque,