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villes et villages, de dix, quinze ou trente ans, plus ou moins, et le font seulement lorsqu’ils se trouuent trop esloignez des bois ; qu’il faut qu’ils portent sur leur dos, attaché et lié auec vn collier, qui prend et tient sur le front ; mais en hyuer ils ont accoustumé de faire de certaines traisnées qu’ils appellent Arocha, faictes de longues planchettes de bois de Cedre blanc, sur lesquelles ils mettent leur charge, et ayans des raquettes attachées sous leurs pieds, traisnent leur fardeau par-dessus les neiges, sans aucune difficulté, ils changent leur ville ou village, lors que par succession de temps les terres sont tellement fatiguées, qu’elles ne peuuent plus porter leur bled avec la perfection ordinaire, faute de fumier, et pour ne sçauoir cultiuer la terre, ny semer dans ||118 d’autres lieux, que dans les trous ordinaires.

Leurs Cabanes, qu’ils appellent Ganonchia, sont faictes, comme i’ay dict, en façon de tonnelles ou berceaux de jardins, couuertes d’escorces d’arbres, de la longueur de 25. à 30. toises, plus ou moins (car elles ne sont pas toutes egales en longueur), et six de large, laissans par le milieu vne allée de 10. à 12. pieds de large, qui va d’vn bout à l’autre ; aux deux costez il y a vne manière d’establie de la hauteur de quatre ou cinq pieds ; qui prend d’vn bout de la Cabane à l’autre, où ils couchent en esté, pour euiter l’importunité des puces, dont ils ont grande quantité, tant à cause de leurs chiens qui leur en fournissent à bon escient, que pour l’eau que les enfants y font, et en hyuer ils couchent en bas sur des nattes proches du feu, pour estre plus chaudement, et sont arrangez les vns proches des autres, les enfans au lieu plus chaud et eminent,