Page:Sagard - Le Grand voyage du pays des Hurons (Avec un dictionnaire de la langue huronne), Librairie Tross, 1865.djvu/165

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Nos François auoient donné à entendre aux Sauuagesses, que les femmes de ||182 France auoient de la barbe au menton, et leur auoient encore persuadé tout plein d’autres choses, que par honnesteté ie n’escris point icy, de sorte qu’elles estoient fort desireuses d’en voir ; mais nos Hurons ayans veu Madamoiselle Champlain en Canada, ils furent detrompez, et recogneurent qu’en effet on leur en auoit donné à garder. De ces particularitez on peut inferer que nos Sauuages ne sont point velus, comme quelques-vns pourraient penser. Cela appartient aux habitans des Isles Gorgades, d’où le Capitaine Hanno Carthaginois, rapporta deux peaux de femmes toutes velues, lesquelles il mit au Temple de Iuno par grande singularité, et me semble encor’ auoir oüy dire à vne personne digne de foy, d’en auoir veu vne à Paris toute semblable, qu’on y auoit apportée par grande rareté : et de là vient la croyance que plusieurs ont, que tous les Sauuages sont velus, bien qu’il ne soit pas ainsi, et que tres-rarement en trouue-t-on qui le soient.

Il arriua au Truchement des Epicerinys, qu’après auoir passé deux ans parmy eux, et que pensans le congratuler ils luy dirent : Et bien, maintenant que tu com-183||mences à bien parler nostre langue, si tu n’auois point de barbe, tu aurois desia presque autant d’esprit qu’vne telle Nation, luy en nommant vne qu’ils estimoient auoir beaucoup moins d’esprit qu’eux, et les François auoir encor’ moins d’esprit que cette Nation-là, tellement que ces bonnes gens-là nous estiment de fort petit esprit, en comparaison d’eux : aussi à tout bout de champ, et pour la moin-