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Page:Sagard - Le Grand voyage du pays des Hurons (Avec un dictionnaire de la langue huronne), Librairie Tross, 1865.djvu/164

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tombé du haut d’vne Cabane en bas, s’estoit faict boiteux.

Il ne s’y voit non plus aucun rousseau, ny blond de cheuueux, mais les ont tous noirs (excepté quelques-vns qui les ont chastaignez) qu’ils nourrissent et souffrent seulement à la teste, et non en aucune autre partie du corps, et en ostent mesme tous la cause productiue, ayans la barbe tellement en horreur, que pensans parfois nous faire iniure, nous appelloient Sascoinronte, qui est à dire barbu, tu es vn barbu : aussi croyent-ils qu’elle rend les personnes plus laides, et amoindrit leur ||181 esprit. Et, à ce propos, ie diray qu’vn iour vn Sauuage voyant vn François auec sa barbe, se retournant vers ses compagnons leur dict, comme par admiration et estonnement : O que voylà vn homme laid ! est-il possible qu’aucune femme voulust regarder de bon œil vn tel homme, et luy-mesme estoit vn des plus laids Sauuages de son pays ; c’est pourquoy il auoit fort bonne grace de mespriser ce barbu !

Que si ces peuples ne portent point de barbe, il n’y a de quoy s’esmerueiller, puisque les anciens Romains mesmes, estimans que cela leur seruoit d’empeschement, n’en ont point porté iusques à l’Empereur Adrien, qui premier a commencé à porter barbe. Ce qu’ils reputoient tellement à honneur, qu’vn homme accusé de quelque crime n’auoit point ce priuilege de faire raser son poil, comme se peut recueillir par le tesmoignage d’Aulus Gellius, parlant de Scipion, fils de Paul, et par les anciennes Medailles des Romains et Gaulois, que nous voyons encore à present.