Page:Sagard - Le Grand voyage du pays des Hurons (Avec un dictionnaire de la langue huronne), Librairie Tross, 1865.djvu/186

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uince contient prez de cent lieues d’estenduë, où il se fait grande 212 || quantité de très-bon petun, qu’ils traitent à leurs voysins. Ils assistent les Cheueux Releuez contre la Nation de Feu, desquels ils sont ennemis mortels : mais entre les Yroquois et les nostres, auant cette esmeute, ils auoient paix, et demeuroient neutres entre les deux, et chacune des deux Nations y estoit la bien venuë, et n’osoient s’entre-dire ny faire aucun desplaisir, et mesmes y mangoient souuent ensemble, comme s’ils eussent esté amis ; mais hors du pays s’ils se rencontroient, il n’y auoit plus d’amitié, et s’entre-faisoient cruellement la guerre, et la continuent à toute outrance : l’on n’a sceu encor trouuer moyen de les reconcilier et mettre en paix, leur inimitié estant de trop longue main enracinée, et fomentée entre les ieunes hommes de l’vne et l’autre Nation, qui ne demandent autre exercice que celuy des armes et de le guerre.

Quand nos Hurons ont pris en guerre quelqu’vn de leurs ennemis, ils luy font une harangue des cruautez que luy et les siens exercent à leur endroict, et qu’au semblable il deuoit se resoudre d’en endurer autant, et luy commandent (s’il a du 213|| courage assez) de chanter tout le long du chemin, ce qu’il faict ; mais souvent avec un chant fort triste et lugubre, et ainsi l’emmenent en leur pays pour le faire mourir, et en attendant l’heure de sa mort, ils luy font continuellement festin de ce qu’ils peuuent pour l’engraisser, et le rendre plus fort et robuste à supporter de plus griefs et longs tourmens, et non par charité et compassion, excepté aux femmes, filles et enfans, lesquels ils font rarement mourir ; ains les conseruent et