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Page:Sagard - Le Grand voyage du pays des Hurons (Avec un dictionnaire de la langue huronne), Librairie Tross, 1865.djvu/187

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retiennent pour eux, ou pour en faire des presens à d’autres, qui en auroient auparavant perdu des leurs en guerre, et font estat de ces subrogez, autant que s’ils estoient de leurs propres enfans, lesquels estans paruenus en aage, vont aussi courageusement en guerre contre leurs propres parens, et ceux de leur Nation, que s’ils estoient naiz ennemis de leur propre patrie, ce qui tesmoigne le peu d’amour des enfans enuers leurs parens, et qu’ils ne font estat que des bien-faicts presens, et non des passez, qui est vn signe de mauuais naturel : et de cecy i’en ay veu l’experience en plusieurs. Que s’ils ne peuuent emmener les femmes et enfans qu’ils 214|| prennent sur les ennemis, ils les assomment, et font mourir sur les lieux mesmes, et en emportent les testes ou la peau, auec la cheuelure, et encore s’est-il veu (mais peu souuent) qu’ayans amené de ces femmes et filles dans leur pays, ils en ont faict mourir quelques-vnes par les tourments, sans que les larmes de ce pauvre sexe, qu’il a pour toute deffence, les ayent pû esmouuoir à compassion : car elles seules pleurent, et non les hommes, pour aucun tourment qu’on leur fasse endurer, de peur d’estre estimez effeminez, et de peu de courage, bien qu’ils soient souvent contraincts de ietter de hauts cris, que la force des tourments arrache du profond de leur estomach.

Il est quelques-fois arrivé qu’aucuns de leurs ennemis estans poursuyuis de prés, se sont neantmoins eschappez : car pour amuser celuy qui les poursuit, et se donner du temps pour fuyr et le deuancer, ils iettent leurs colliers de Pourceleines bien loin arriere d’eux, afin que si l’avarice commande à ses poursuyvans de les aller ramasser, ils peussent tousiours gaigner le de-