Page:Sagard - Le Grand voyage du pays des Hurons (Avec un dictionnaire de la langue huronne), Librairie Tross, 1865.djvu/208

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l’aduis de mes Confreres ie m’y en allay, et m’assis au conseil auprés du grand Capitaine, lequel me dit : Mon Nepueu, nous t’auons en-244||uoyé querir, pour t’aduiser que si les pluyes ne cessent bien-tost, nos bleds seront tous perdus, et toy et tes Confreres avec nous, mourrons tous de faim ; mais comme vous estes gens de grand esprit, nous auons eu recours à vous, et esperons que vous obtiendrez de vostre Pere qui est au Ciel, quelque remede et assistance à la necessité qui nous menace. Vous nous auez tousiours annoncé qu’il estoit tres-bon, et qu’il estoit le Createur, et auoit tout pouuoir au Ciel et en la terre ; si ainsi est qu’il soit tout-puissant et tres-bon, et qu’il peut ce qu’il veut, il peut donc nous retirer de nos miseres, et nous donner vn temps propre et bon : prie-le donc, auec tes deux autres Confreres, de faire cesser les pluyes, et le mauuais temps, qui nous conduit infailliblement dans la famine, s’il continue encore quelque temps, et nous ne te serons pas ingrats : car voylà desia vn tonneau de bled que nous t’auons dedié, en attendant mieux. Son discours finy, et ses raisons deduites, ie luy remonstray que tout ce que nous leur auions dit et enseigné estoit tres-veritable, mais qu’il estoit à la liberté d’vn pere d’exaucer ou reietter les prieres de son enfant, 245|| et que pour chastier, ou faire grace et misericorde, il estoit tousiours la mesme bonté, y ayant autant d’amour au refus qu’à l’octroy ; et luy dis pour exemple : Voilà deux de tes petits enfans, Andaracouy et Aroussen, quelques fois tu leur donnes ce qu’ils te demandent, et d’autres fois non ; que si tu les refuses et les laisses contristez, ce n’est pas pour hayne que tu leur portes, ny pour mal que