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Page:Sagard - Le Grand voyage du pays des Hurons (Avec un dictionnaire de la langue huronne), Librairie Tross, 1865.djvu/207

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mit en repos. Il s’est monstré du depuis si feruent obseruateur de ce qui luy a esté enseigné, qu’il s’est librement faict quitte de toutes les bagatelles et superstitions dont le Diable les amuse, et mesme n’a permis qu’aucun de leurs Pirotois fist plus aucune diablerie autour de luy comme ils auoient accoustumé.

Enuiron les mois d’Auril et de May, les pluyes furent tres-grandes, et presque continuelles (au contraire de la France, qui fut fort seiche cette année-là) de sorte que les Sauuages croyoient asseurement que tous leurs bleds deussent estre perdus et pourris, et dans cette affliction ne sçauoient plus à qui auoir recours, sinon à nous : car desia toutes leurs ceremonies et 243|| superstitions auoient esté faictes et obseruées sans aucun profit. Ils tindrent donc conseil entre tous les plus anciens, pour aduiser à vn dernier et salutaire remede, qui n’estoit pas vrayement sauuage ; mais digne d’vn tres-grand esprit, et esclairé d’vne nouuelle lumiere du Ciel, qui estoit de faire apporter vn tonneau d’escorce de mediocre grandeur, au milieu de la Cabane du grand Capitaine où se tenoit le conseil, et d’arrester entr’eux que tous ceux du bourg, qui auoient vn champ de bled ensemencé, en apporteroient là une escuellée de leur Cabane, et ceux qui auroient deux champs, en apporteroient deux escuellées, et ainsi des autres, puis l’offriroient et dedieroient à l’vn de nous trois, pour l’obliger auec les deux autres Confreres, de prier Dieu pour eux. Cela estant faict, ils me choisissent, et m’envoyent prier par un nommé Grenole, d’aller au conseil, pour me communiquer quelque affaire d’importance, et aussi pour recevoir vn tonneau de bled qu’ils m’auoient dedié. Auec