Page:Sagard - Le Grand voyage du pays des Hurons (Avec un dictionnaire de la langue huronne), Librairie Tross, 1865.djvu/217

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voyoient goutte ; ils me respondirent que si, et mesme qu’elles entendoient et mangeoient. Donne-leur donc de ta Sagamité, leur dis-je. Vn autre me répliqua : Ce sont les poissons qui leur donnent à manger, et non point nous. Ie tançay vne fois les enfans de la Cabane, pour quelques vilains et impertinents discours qu’ils tenoient : il arrina que le lendemain matin ils prindrent fort peu de poisson, ils l’attribuerent à cette reprimande qui auoit esté rapportée par les rets aux poissons.

Vn soir, que nous discourions des animaux du pays, voulans leur faire entendre que nous auions en France des lapins et levraux, qu’ils appellent Quieutonmalisia, 257|| ie leur en fis voir la figure par le moyen de mes doigts, en la clairté du feu qui en faisoit donner l’ombrage contre la Cabane : d’auenture et par hazard on prit le lendemain matin, du poisson beaucoup plus qu’à l’ordinaire, ils creurent que ces figures en auoient esté la cause, tant ils sont simples, me priant au reste de prendre courage, et d’en faire tous les soirs de mesme, et de leur apprendre, ce que ie ne voulus point faire, pour n’estre cause de cette superstition, et pour n’adherer à leur folie.

En chacune des Cabanes de la Pesche, il y a ordinairement vn Prédicateur de poisson, qui a accoustumé de faire vn sermon aux poissons, s’ils sont habiles gens ils sont fort recherchez, pource qu’ils croyent que les exhortations d’vn habile homme ont vn grand pouuoir d’attirer les poissons dans leurs rets. Celuy que nous auions s’estimoit vn des premiers, aussi le faisoit-il beau voir se demener, et de la langue et des mains quand il preschoit, comme il