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Page:Sagard - Le Grand voyage du pays des Hurons (Avec un dictionnaire de la langue huronne), Librairie Tross, 1865.djvu/224

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Demon vint frapper trois grands coups sur la couuerture de la Cabane, et que la Sauuagesse qui cogneut que c’estoit son Demon, entra aussi-tost dans sa petite tour d’escorce, où elle auoit accoustumé de receuoir ses oracles, et entendre les discours de ce malin esprit. Ce bon Gentil-homme preste l’oreille, et escoute le Colloque, et entendit le Diable qui se plaignoit grandement à elle, qu’il estoit fort las et fatigué, et qu’il venoit de fort loin guerir des malades, et que l’amitié particuliere qu’il auoit pour elle, l’auoit obligé de la venir voir ainsi lassé, puis pour l’aduertir qu’il y auoit trois Nauires François en mer qui arriueroient bien-tost, ce qui fut trouué veritable : car à trois ou quatre iours de là, les Nauires arriuerent, et après que la Sauuagesse l’eut remercié, et faict ses demandes, le Demon s’en retourna.

267|| Vn de nos François estant tombé malade en la Nation du Petun, ses compagnons qui s’en alloient à la Nation Neutre, le laissèrent là, en la garde d’vn Sauuage, auquel ils dirent : Si cettuy nostre compagnon meurt, tu n’as qu’à le despoûiller de sa robbe, faire vne fosse, et l’enterrer dedans. Ce bon Sauuage demeura tellement scandalisé du peu d’estat que ces François faisoient de leur compatriote, qu’il s’en plaignit par tout, disant qu’ils estoient des chiens, de laisser et abandoner ainsi leur compagnon malade, et de conseiller encore qu’on l’enterrast nud, s’il venoit à mourir. Ie ne feray iamais cette iniure à vn corps mort, bien qu’estranger, disoit-il ; et me despoûillerois plustost de ma robbe pour le couurir, que de luy oster la sienne.

L’hoste de ce pauure garçon sçachant sa maladie,