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Page:Sagard - Le Grand voyage du pays des Hurons (Avec un dictionnaire de la langue huronne), Librairie Tross, 1865.djvu/226

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mitifs que les Sauuages luy firent aualler. Il nous arriua encore une autre seconde apprehension, qui se tourna par apres en risée : ce fut que certains petits Sauuages ayans des racines nommées Ooxrat, qui ressemblent à vn petit naueau, ou à vne chastaigne pelée, qu’ils venoient d’arracher pour porter en leurs Cabanes : vn ieune garçon François qui demeuroit auec nous, leur en ayant demandé, et mangé vne ou deux, et trouué au commencement d’vn goust assez agreable, il sentit peu après tant de douleur dans la bouche, comme d’vn feu tres-cuisant et picquant, auec grande quantité d’humeurs et de phlegmes qui luy distilloient continuellement de la bouche, qu’il en pensoit estre à mourir : et en effect, nous n’en sçauions que penser, ignorans la cause de cet accident, et craignions qu’il eust mangé de quelque racine venimeuse : mais en ayant communiqué, et demandé l’aduis des Sauuages, ils se firent apporter le reste des racines pour270||voir que c’estoit, et les ayans veües et recogneües, ils se prirent à rire, disans qu’il n’y auoit aucun danger ny crainte de mal ; mais plustost du bien, n’estoient ces poignantes et par trop cuisantes douleurs de la bouche. Ils se seruent de ces racines pour purger les phlegmes et humiditez du cerueau des vieilles gens, et pour esclaircir la face : mais pour euiter ce cuisant mal, ils les font premierement cuire sous les cendres chaudes, puis les mangent, sans en ressentir après aucune douleur, et cela leur faict tous les biens du monde, et suis marry de n’en auoir apporté par-deçà, pour l’estat que ie croy qu’on en eust faict. On diet aussi que nos Montagnais et Canadiens ont un arbre appelé Annedda, d’vne ad-