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Page:Sagard - Le Grand voyage du pays des Hurons (Avec un dictionnaire de la langue huronne), Librairie Tross, 1865.djvu/264

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il coupe des petits arbres, et des perches en plusieurs pieces, dont il bastit sa maison, et même par succession de temps il en coupe par-fois de bien gros, quand il s’y en trouue qui l’empeschent de dresser son petit bastiment, lequel est faict de sorte (chose admirable) qu’il n’y entre nul vent, d’autant que tout est ouuert ou fermé, sinon vn trou qui conduit dessous l’eau, et par là se va pourmener où il veut ; puis vne autre sortie en vne autre part, hors la riuiere ou le lac où il va à terre et trompe le chasseur. Et en cela, comme en toute autre chose, se voit apertement reluire la diuine prouidence, qui donne iusqu’aux moindres animaux de la terre l’instinct naturel et moyen de leur conseruation.

Or, ces animaux voulant bastir leurs petites cauernes, ils s’assemblent par troupes dans les forests sombres et espaisses : s’estant assemblez ils s’en vont couper des rameaux d’arbres à belles dents, qui leur seruent à cet effet de coignée, et les traisnent iusqu’au lieu où ils bastissent, et continuent de le faire, iusqu’à ce qu’ils en ont assez pour acheuer leur ouurage. Quel-321||ques-vns tiennent que ces petits animaux ont vne inuention admirable à charier le bois, et disent qu’ils choisissent celuy de leur troupe qui est le plus faineant ou accablé de vieillesse, et le faisant coucher sur son dos vous disposent fort bien des rameaux entre ses jambes, puis le traisnent comme vn chariot iusqu’au lieu destiné, et continuent le mesme exercice tant qu’il y en ait à suffisance, l’ay veu quelques-vnes de ces Cabanes sur le bord de la grand’ riuiere, au pays des Algoumequins ; mais elles me sembloient admirables, et telles que la